Chronique – « Chine-Etats-Unis : de la complémentarité à la rivalité  » Michel Cabannes (Novembre 2024)

Chronique – Chine-Etats-Unis : de la complémentarité à la rivalité Michel Cabannes (Novembre 2024) 

Le devenir de l’économie mondiale est tributaire des relations entre les deux grandes puissances actuelles : les Etats-Unis et la Chine. La convergence de leurs intérêts fut à l’origine de la promotion de la mondialisation. Mais celle-ci a provoqué ensuite leur rivalité qui remet en cause la mondialisation initiale. Ce basculement est analysé, en se basant sur la logique extérieure des capitalismes, par Benjamin Burbaumer (Science Po Bordeaux), dans son livre « Chine/Etats-Unis : le capitalisme contre la mondialisation » (invité au Café économique de Pessac le 5 novembre 2024).

La complémentarité initiale

La mondialisation sous l’égide des Etats-Unis a été mise en place à partir des années 1980 par l’élimination des obstacles au commerce international, aux investissements directs étrangers et à la liberté de circulation des flux financiers. Elle correspondait aux intérêts économiques convergents des deux pays. D’un côté, les Etats-Unis, pour échapper à la crise de suraccumulation des années 1970, ont impulsé la mondialisation pour que le capital transnational augmente ses profits grâce à une main d’œuvre étrangère bon marché et à des produits importés à bas prix. D’un autre côté, la Chine, en pleine transformation capitaliste sous la direction de Deng Tsiao Ping, visait une impulsion extérieure grâce au marché mondial. Elle s’est insérée dans la mondialisation comme fournisseur d’une main d’œuvre bon marché, bien formée et en bonne santé après des décennies de régime maoïste. Elle a ouvert son économie aux capitaux étrangers, aux technologiques étrangères et au commerce mondial, afin d’accroitre ses exportations, d’accélérer la croissance grâce à sa compétitivité.

Cette mondialisation a permis à la fois l’augmentation des profits des multinationales américaines et une forte croissance durable sans précédent de la Chine grâce à l’explosion des exportations. La puissance chinoise est le produit du capitalisme et de la mondialisation initiée par les Etats-Unis.

La rivalité émergente

Mais la mondialisation n’a pas été heureuse pour tout le monde. Aux Etats-Unis, l’emploi industriel a subi les destructions considérables liées surtout à la concurrence des produits chinois. La Chine a fini par être accusée d’inonder les marchés étrangers de ses produits.

Le développement de la Chine a conduit à la montée en gamme de ses produits dans la division internationale du travail, créant une concurrence pour les produits des pays avancés : la complémentarité a donc régressé au profit de la concurrence entre les productions. La Chine a même pris de l’avance dans certains domaines sur les pays anciennement industrialisés, notamment pour la voiture électrique, les énergies renouvelables et certains compartiments du numérique. Les Etats-Unis ont alors craint que la Chine les dépasse économiquement, d’où un changement de politique commerciale initié par Trump et poursuivie par Biden : des mesures de protection contre les importations venues de Chine, et des mesures d’interdiction d’exportation de certaines technologies. Ces restrictions s’expliquent moins par la personnalité des dirigeants politiques que par la nouvelle rivalité économique. Après avoir promu le libre échange quand ils le maitrisaient, les Etats-Unis n’hésitent pas à recourir aux obstacles aux échanges quand leur domination est mise en cause.

Un conflit d’hégémonies

« En devenant capitaliste, la Chine s’est vue contrainte de défier ce qui a permis son essor, à savoir une mondialisation pensée, organisée et contrôlée par les Etats-Unis » écrit Benjamin Burbaumer. La Chine conteste la mondialisation sous supervision états-unienne. « La rivalité sino-américaine ne porte pas tant sur l’existence du marché mondial que sur son organisation », sur ses règles du jeu. La Chine essaie d’externaliser ses déséquilibres économiques internes par la mise en place d’infrastructures physiques, technologiques et monétaires permettant des échanges internationaux sous son contrôle :  les Nouvelles Routes de la soie favorisant les relations commerciales et financières sino-centrées, les acquisitions de ports situés à des points stratégiques, le contrôle des infrastructures techniques (normes et réglementations techniques), le contrôle des technologies clés de l’infrastructure numérique, la contestation du privilège exorbitant du dollar. Cette réorganisation du marché mondial court circuite la supervision des Etats-Unis et se heurte à leurs multinationales : c’est pourquoi la Chine reste la priorité numéro un de Washington et de ses alliés.

Le conflit Etats-Unis-Chine met aux prises deux formes de capitalisme en lutte non seulement pour des parts de marché, mais aussi pour le contrôle de l’économie mondiale, dont l’avenir risque d’être agité.

Michel Cabannes, Economiste (membre du Café Economiques de Pessac)

 

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