Chronique – Michel Cabannes « Budget 2025 : un budget de régression » ( Octobre 2024)

Chronique de Michel Cabannes, 15 Octobre 2024

Budget 2025 : un budget de régression

 

Face au déficit public massif (6,1% du PIB en 2024) lié en partie aux cadeaux fiscaux des dernières années, le gouvernement Barnier prévoit un ajustement de 60M€ (2% PIB) pour revenir à un déficit de 5% du PIB en 2025, dans la perspective d’atteindre la barre de 3% en 2029.

Une austérité massive sur les dépenses.

Le projet de budget prévoit de fortes réductions de dépenses publiques (40M€).

– L’austérité concerne d’abord l’Etat (20M€). Cela inclut les objectifs des lettres de cadrage du précédent gouvernement (15M€ d’économies) et des réductions de dépenses supplémentaires à voter dans des amendements (5M€). L’austérité est générale à l’exception de la défense (+3,2M€), notamment pour le sport (- 12,3%), le travail et l’emploi (-8,8%), l’agriculture (-7,8%), la recherche et l’enseignement supérieur (-3,2%). En matière d’éducation, 4000 postes d’enseignants doivent être supprimés. En matière d’écologie, les réductions de dépenses (2M€) concernent le Fonds vert pour les collectivités locales, le dispositif de rénovation énergétique et les aides aux véhicules propres.

– L’austérité porte ensuite sur la protection sociale (15M€). Cela inclut le report de 6 mois de l’indexation des retraites (3,6M€), le ralentissement de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) (près de 4M€) par la baisse du taux de remboursement des consultations médicales, des remboursements des produits de santé et des indemnités d’arrêt de travail.

– L’austérité porte enfin sur les collectivités locales (5M€). Cela prend la forme d’un prélèvement de recettes pour un « fonds de précaution » touchant les plus importantes d’entre elles (3M€), de moindres transferts de TVA aux collectivités locales (1,2M€) et de l’amputation du FCTVA (800m€).

Une justice fiscale au rabais.

Face à l’ampleur du dérapage des finances publiques, le gouvernement a dû revenir sur certains de ses dogmes. Il a renoncé au dogme du refus des hausses d’impôts en décidant des hausses des recettes fiscales (près de 20M€). Il a dû revenir aussi sur le dogme des baisses de cotisations sociales des dernières décennies en supprimant des réductions des cotisations employeurs sur les bas salaires (4M€).

Mais le budget fait un pas très insuffisant vers l’équité fiscale. Il prévoit une hausse exceptionnelle de l’Impôt sur les Sociétés de 25% à 30% sur les entreprises de plus de 1M€ de CA et de 25% à 36% pour les entreprises de plus de 3M€ de CA (divisée par 2 en 2026, supprimée en 2027), une surtaxe exceptionnelle sur les très hauts revenus (>500000€ pour un couple, 65000 foyers, 2M€), une taxe exceptionnelle sur les armateurs (500m€). En fait, la promesse de Michel Barnier d’un budget de justice fiscale n’est pas tenue. D’abord, les hausses d’impôt sur les plus riches et sur les grandes entreprises sont faibles par rapport aux énormes baisses d’impôts consenties au cours des dernières années. Ensuite, ces hausses d’impôts sont provisoires. Le budget 2025 n’oriente pas la fiscalité vers une justice fiscale durable.

Un choc négatif sur l’économie.

Le budget 2025 va produire un effet dépressif sur l’économie française qui déjà ne va pas bien. Pour estimer son impact macroéconomique, Anne-Laure Delatte a fait tourner le modèle Mesange* de l’économie qui contient des multiplicateurs de dépenses plus élevés que les multiplicateurs de recettes fiscales. Il s’avère que le budget 2025 doit entrainer une baisse de 0,6% du PIB en 2025 et que celle-ci doit s’accentuer en 2026 car les ménages et les entreprises vont ajuster leurs comportements sur plusieurs années suite à la baisse de revenus. L’effet restrictif des baisses de dépenses publiques est plus important que l’effet restrictif des hausses de recettes fiscales

Au total, le projet de budget 2025 hypothèque l’avenir à court terme et à long terme de l’économie par l’ampleur des mesures d’austérité sans s’orienter vers une véritable justice fiscale. Celle-ci nécessiterait des mesures fiscales d’une toute autre ampleur. Le NFP propose des mesures prioritaires d’accroissement des recettes fiscales que ses députés vont soutenir lors du débat parlementaire : le retour des impôts de production (CVAE), la suppression du prélèvement forfaitaire unique, la fin des exonérations de cotisations sociales au-delà de 2 SMIC, le recentrage du crédit impôt recherche, une taxe sur les très gros héritages, un renforcement de l’ISF, une taxe sur les superdividendes et une taxe sur les transactions financières

Michel Cabannes, Octobre 2024

 

*Modèle MESANGE (Modèle Économétrique de Simulation et d’ANalyse Générale de l‘Économie)

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