« Les défis de la dette publique : appréciations et propositions » Michel Cabannes

Chronique : Les défis de la dette publique : appréciations et propositions

 

La progression de la dette publique est un sujet majeur d’inquiétude et de débats surtout à la suite des dernières crises. Elle fait l’objet de beaucoup d’idées reçues concernant ses causes et surtout ses conséquences économiques. Face aux gros besoins  de financement public (cf. la transition écologique), une controverse oppose les tenants de l’annulation d’une partie de la dette et les partisans d’autres moyens pour assurer un financement pérenne. Jean-Marie Harribey et Eric Berr ont présenté les termes du débat au Café économique (23 février et 2 mars respectivement).


 La dette publique   

La dette publique est le total des dettes des administrations publiques: l’État, les organismes liés à l’État, les administrations publiques locales et les administrations de sécurité sociale.

L’encours de dette est le stock de capital restant dû sur les emprunts à une date donnée. Il est en France 2674 milliards d’€, 116,4% PIB (fin septembre 2020). La dette est plus le fait de l’État (81%) que des Administrations de Sécurité Sociale (11%) et des Administrations Publiques Locales (8%). Elle  est détenue pour moitié par les non résidents (52%). La part détenue par la BCE est de plus de 20% (fin 2019). Le ratio de dette est légèrement plus élevé en France que dans la moyenne de la zone euro (98,1% contre 84,1% en 2019).


I.Appréciations.

1.Les ressorts reconnus de l’endettement croissant.

L’encours de la dette publique a beaucoup augmenté depuis 45 ans : +91 pts de PIB entre 1975 et 2020 en raison de la permanence des déficits publics.

Évolution de l’encours de dette publique

Année 1975 1980 2007 2016 2019 2020 (30.9)
% PIB 15,0 20,7 64,3 98,3 98,4     116,4

a) Le régime néolibéral.

La montée de la dette publique correspond à l’ère du capitalisme financier mondialisé néolibéral. Les titres publics des pays développés sont un placement sûr pour les opérateurs.

D’une part, les recettes publiques sont ralenties par les politiques néolibérales de baisse de la fiscalité des entreprises et des ménages riches, D’autre part, les dépenses publiques et sociales augmentent (de 50% à 55% du PIB de 1982 à 2019) sous l’effet de la compensation des dégâts sociaux du capitalisme néolibéral et des facteurs démographiques (vieillissement).

b) Les crises récentes.

La crise économique de 2008 a fait croitre la dette publique d’environ 30 points de PIB : la montée des déficits publics provient de la réduction mécanique des rentrées fiscales et des politiques de soutien de l’activité. La crise du Covid 19 a fait croître la dette publique de plus de 20 points de PIB : l’envol des déficits publics résulte de la chute mécanique des rentrées fiscales et du soutien de l’emploi et des revenus précédant les politiques de relance.

c) Les taux d’intérêt, facteur ambivalent.

Dans un premier temps (années 1980-1990), les taux d’intérêt réels élevés, supérieurs au taux de croissance de l’économie, ont été  facteur de hausse de la dette. Dans un second temps (années 2000), la baisse de taux d’intérêt a contribué à limiter la hausse de la dette publique.

2. Les implications discutées de l’endettement.

a) La nécessité de la dette publique.

La dette publique est nécessaire d’abord pour financer les dépenses publiques afin de soutenir la demande pour préserver l’emploi et lutter contre les dépressions économiques. Elle est nécessaire aussi pour financer les dépenses publiques qui préparent l’avenir, en particulier les investissements publics dans les infrastructures, l’éducation, la santé et les services publics en général. Prétendre que l’État doit être géré comme un « bon père de famille » est une ineptie.

b) Les risques imaginaires.

– La dette publique n’est pas un fardeau pour les générations futures.

L’idée d’un « sac à dos » laissé en héritage est fausse. D’abord, la durée moyenne de la dette publique n’est que de 8 ans. Ensuite, toute dette transmise implique une créance transmise. Enfin, le patrimoine public est supérieur à la dette (4500€ de patrimoine net par français).

– La dette publique actuelle est soutenable.

L’État, qui a une durée de vie infinie, peut faire « rouler sa dette », c’est à dire emprunter pour rembourser ses créanciers. Ce qui importe, c’est la charge de la dette et non pas son encours.

. La charge de la dette, montant annuel des intérêts payés sur les emprunts, est faible : 36 milliards €, 1,5% du PIB et 3% des recettes publiques (2020). Depuis son maximum en 1997 (3,5% du PIB), elle a beaucoup diminué grâce à la baisse des taux d’intérêt (-2 points de PIB).

. La dette publique est aisément finançable sans tension sur les taux d’intérêt car le taux d’épargne est très élevé (cf. crise du Covid) et la confiance des épargnants est forte.

– Les effets de la dette sur la hausse des taux d’intérêt et sur la réduction de la croissance au-delà d’un seuil d’endettement n’ont jamais été démontrés.

c) Les risques réels.

– La dette publique enrichit les plus riches.

Un fort endettement public pose un problème social. Le transfert des contribuables aux épargnants est anti-redistributif car le revenu des premiers est inférieur à celui des seconds.

– La dette publique peut être un outil de domination.

Un endettement public financé par les marchés financiers pose un problème de dépendance envers leurs opérateurs. La politique de l’État est exposée au risque de chute de la confiance et de remontée des taux d’intérêt. Un fort endettement public par rapport aux non résidents pose un problème de dépendance extérieure et de transfert de revenu.

– La dette publique peut être instrumentalisée.

Un endettement public élevé peut servir pour justifier des politiques d’austérité, comme en 2010-2011 après la crise économique financière. Cela pourrait se reproduire après la crise du Covid avec, en plus, le risque de ne pas financer suffisamment la transition écologique.

II. Propositions. 

L’annulation de la dette publique détenue par la banque centrale (près de 25%) a été préconisée par Laurence Scialom et Baptiste Bridonneau (avril 2020). Ils ont été rejoints par Nicolas Dufrène, Jézabel Coupée-Soubeyran, Gaël Giraud et Aurore Lalucq, et par une centaine d’économistes dont Thomas Piketty, Jean-Marie Harribey et Jean-François Ponsot dans une tribune « Annuler les dettes publiques détenues par la BCE pour reprendre en main notre destin » (février 2021). Cette option est refusée par les tenants de l’orthodoxie, comme Agnès Benassy-Quéré et Jean Pisani-Ferry, et par certains économistes hétérodoxes, y compris keynésiens, comme Henri Sterdyniak, Michel Husson, Benjamin Lemoine, Bruno Tinel, Eric Berr, Edwin Le Héron, Mathieu Montalban, David Cayla, Xavier Timbeau et Anne-Laure Delatte. Ces derniers ont signé une tribune « D’autres solutions que l’annulation de la dette existent pour garantir un financement stable et pérenne » (février 2021).

1. L’annulation de la dette publique détenue par la banque centrale. 

a) Arguments pour l’annulation.

– Cette annulation de la dette publique est utile à moyen terme pour éviter une future austérité qui se profile à l’horizon (Cf. F. Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France). En diminuant le ratio de dette, l’annulation ôterait une justification aux partisans de l’austérité.

– Cette annulation est utile à moyen terme pour détendre la contrainte financière qui peut  nuire à la transition écologique. En diminuant le ratio dette publique PIB, cela permettrait de consacrer ces sommes pour la transition sans subir une hausse du ratio D/PIB.

– Proposer l’annulation sert à provoquer un débat public sur la dette afin d’en finir avec une vision culpabilisante et erronée de la dette, instrumentalisée pour faire accepter l’austérité.

– L’annulation de la dette publique détenue par la banque centrale ne nuirait à personne.

– L’annulation de la dette publique n’est pas contradictoire avec la lettre des textes européens.

b) Arguments contre l’annulation.

– L’annulation est inutile actuellement car la dette ne pose pas de problème. La charge de la dette est faible (1,5% du PIB) grâce aux taux bas malgré la hausse de l’encours. L’annulation serait nuisible financièrement (l’État gagne à s’endetter) et incompréhensible par l’opinion.

– L’annulation de la dette risque de réveiller la méfiance des marchés financiers, donc une hausse des taux d’intérêt, de la charge de la dette et la dégradation des finances publiques.

– Les pertes de la banque centrale se répercuteraient sur les dividendes versés à l’État.

– La demande d’annulation contredit l’idée qu’il n’y a pas de problème de dette publique.

– L’annulation laisse subsister la dépendance vis-à-vis des marchés financiers.

– L’annulation est contraire à l’esprit des textes européens et se heurte à un refus de la BCE. 

La transformation des titres publics en dette perpétuelle à taux d’intérêt faible ou nul proposée par des personnalités plus orthodoxes (Alain Minc) aurait des effets proches de l’annulation pour la charge de la dette, Elle s’en distingue par le maintien de l’encours. Elle pourrait être mieux admise par les responsables européens que l’annulation.

2. Des réponses alternatives. 

Une réponse est d’abord à exclure : « en temps de crise, il ne faut surtout pas se serrer la ceinture (E. Berr et al, 2021). Une politique d’austérité serait totalement contreproductive. 

a) Le recours à la fiscalité sélective.

La fiscalité sélective est le seul moyen de réduire la dette sans une austérité globale destructrice. On peut taxer les hauts patrimoines (ISF, impôts sur les transmissions), les multinationales ou les bénéfices exceptionnels liés à la pandémie. Une taxe temporaire de 5% sur le patrimoine des 5% des ménages les plus riches rapporterait 240 milliards d’€ (Ch. Chavagneux). Des mesures fiscales ciblées auraient plusieurs avantages : cela réduirait la dette ; cela préserverait la consommation (faible propension à consommer des  ménages aisés) ; cela accroîtrait la justice fiscale; ce serait  compatible avec les textes européens.  Des recettes temporaires réduiraient l’effet du Covid sur la dette. Mais la fiscalité ne suffirait pas pour financer la transition écologique. C’est un instrument nécessaire mais pas suffisant.

b) La protection des finances publiques.

Pour une autonomisation par rapport aux marchés financiers, on pourrait consacrer dans les traités le rôle de la BCE d’acheteur en dernier ressort des titres publics. On pourrait inventer un financement inspiré de l’ancien « circuit du Trésor » français, en créant un plancher de détention des titres publics et une facilité de découvert pour les États auprès de la BCE. On pourrait aussi créer un pôle public bancaire pour  financer les priorités écologiques et sociales. L’autonomisation des politiques budgétaires passe aussi par la fin des règles budgétaires européennes et par une coordination entre les politiques monétaires et budgétaires.

3 Propos d’étape.

– Les « annulationnistes » ont eu le mérite d’être de lanceurs d’alerte, de lancer le débat pour mettre en cause la vision dominante, erronée et culpabilisante de la dette publique. Leur souci d’éviter l’austérité et de sauver la transition écologique est légitime.

– L’annulation est inopportune dans le contexte actuel. D’abord, la dette ne pose pas de problème (charge de la dette : 1,5% du PIB). Elle serait nuisible financièrement (l’État gagne à s’endetter avec des taux bas). Elle serait incompréhensible par l’opinion. Elle risque de susciter la méfiance des marchés financiers, une hausse des taux d’intérêt et de la charge de la dette. Toutefois, l’annulation pourrait se défendre après la crise du Covid en cas d’offensive « austéritaire » si c’était le seul moyen d’éviter le pire et de défendre la transition écologique.

– L’autonomisation envers les marchés financiers est plus importante que le niveau de la dette. Elle ne serait pas permise par l’annulation mais par la création de circuits de financement de l’État par la banque centrale. Certes, cela susciterait une opposition au niveau européen, comme d’autres propositions. Mais tant qu’à s’engager dans une épreuve de force, il vaut mieux que cela soit sur un enjeu structurel pour préparer l’avenir.

Michel Cabannes 

Bibliographie

Livres.

Berr E., Charles L., Jatteau A., Marie J, Pellegris A., 2021, La dette publique, Seuil

Lemoine B, 2016, L’ordre de la dette, Enquête sur les infortunes de l’État et la prospérité du marché, La Découverte.

Tribunes. 

Scialom L., Bridonneau B.,  Des annulations de dettes publiques par la BCE : lançons le débat,  Note Terra Nova, 17 avril 2020.

Collectifs de près de 150 économistes européens : Annuler les dettes publiques détenues par la BCE pour reprendre en main notre destin, Le Monde 5 février 2021.

Collectif de plus de 80 économistes, D’autres solutions que l’annulation de la dette existent pour garantir un financement stable et pérenne, Le Monde 27 février 2021. 

Revue.

Dette COVID : Faut-il la rembourser ? Dossier de la Revue Banque et Stratégie, Janvier 2021.

Articles.

Harribey J-M., 2020, Il n’y a pas de monnaie magique, mais il pourrait y avoir un usage démocratique de la monnaie, Les Possibles 26, Hiver 2020-2021.

Jublin M., 2020, Débat technique, tabou moral, choix politique, Socialter n°41, août-septembre.

Godin R., 2021, Argent magique et monnaie pour tous, Mediapart, 4 janvier.

Escalona F., 2021, Annulation de la dette publique : les gauches en quête de doctrine, Mediapart 14 janvier.

Godin R., 2021, Annulation de la dette publique : la pomme de discorde des économistes hétérodoxes, Mediapart, 21 janvier.

D’Abbundo A., 2021, Annuler la dette les clés du débat, La Croix 1er mars.

Manach E., 2021 Annuler la dette, la question qui divise les économistes de gauche, Politis 4-10 mars.

 

 

 

« Le néolibéralisme et l’érosion démocratique »

Chronique Décembre 2020
Le néolibéralisme et l’érosion démocratique

Michel Cabannes, économiste 

Alors que l’aspiration à la démocratie inspire de nombreux mouvements  dans le monde,  ce régime  subit pourtant actuellement dans nos pays une érosion si on en juge par le discrédit du politique, la fracture entre le « peuple » et les « élites », l’essor du populisme et l’apparition de « l’illibéralisme ». On peut s’interroger à cet égard sur la responsabilité du projet néolibéral qui oriente la vie économique depuis quatre décennies.

Le néolibéralisme, forme actuelle du libéralisme économique,  est le mode de gestion du  capitalisme qui vise à libérer les forces du marché des contraintes collectives. Cela inclut la déréglementation, les privatisations, la libéralisation des échanges et de la finance internationale ainsi que  la réduction des budgets publics et sociaux. Il implique  des interventions publiques, mais qui sont au service du marché, utilisé comme principe d’ordre de la société.

Le néolibéralisme actuel contribue à dégrader la démocratie par plusieurs canaux.

  • Il est nécessairement réducteur de la souveraineté du peuple (I).
  • Il est potentiellement source d’autoritarisme (II).
  • Il est destructeur des conditions sociales de la démocratie(III).
  • Il est facteur de fragilisation de la démocratie (IV).

I.Le néolibéralisme, nécessairement réducteur de souveraineté du peuple.

Le néolibéralisme implique des mécanismes de marché contraignant les politiques des États et des mesures institutionnelles déconnectant  les décisions des influences populaires.

– La mondialisation commerciale contraint les politiques en imposant l’objectif de compétitivité tandis que  la mondialisation financière soumet les politiques à l’appréciation des marchés financiers. Dani Rodrik a mis en évidence le triangle d’incompatibilité : on ne peut combiner la globalisation poussée, la souveraineté des États et la démocratie. Il faut se souvenir que la libéralisation a été décidée par les États eux-mêmes dans les années 1980 ! La contrainte des marchés est voulue par les néolibéraux : « Si une liberté voit son champ rétréci, c’est celle de conduire des politiques irresponsables (…). Les marchés veillent. Le droit à l’erreur n’existe plus » (Michel Camdessus).

– Des dispositions institutionnelles viennent s’ajouter. Les normes budgétaires des traités de l’Union européenne (déficits et dette) encadrent les budgets nationaux. « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens » (Jean-Claude Junker). Dans les accords commerciaux récents, les multinationales peuvent attaquer les États devant les tribunaux d’arbitrage.

– Certaines dispositions nationales éloignent les instances de décision des pressions populaires. C’est le cas de l’indépendance des banques centrales vis-à-vis des pouvoirs politiques nationaux et de la tendance au renforcement du pouvoir exécutif par rapport au pouvoir législatif.

– Tout cela signifie un biais anti-démocratique structurel. La configuration économique des politiques néolibérales  se rapproche de celle du seul marché et s’éloigne de celle des préférences de la majorité politique: la répartition des revenus est plus inégalitaire, le niveau de chômage plus élevé, la répartition territoriale des activités plus concentrée. Non seulement ces politiques ont un biais pro-capital inéluctable au nom de l’attractivité et de la compétitivité, mais elles sont aussi normalisées, relativement insensibles aux résultats des élections,  souvent éloignées des promesses électorales et  indépendantes de l’alternance entre les gouvernements de gauche et la droite. Tout cela ne peut être sans conséquences sur les réactions des citoyens !

II.Le néolibéralisme, potentiellement source d’autoritarisme.

On redécouvre que le libéralisme économique ne va pas nécessairement de pair avec le  libéralisme politique et qu’il est très compatible avec l’autoritarisme politique.

– Karl Schmidt préconisait une synthèse de libéralisme économique et d’autoritarisme politique (un « libéralisme autoritaire » d’après son détracteur  Hermann Heller) dans un discours au  patronat allemand en 1932. Il déplorait que la démocratie conduise à un État providence obèse du fait de sa faiblesse face aux pressions sociales (Grégoire Chamayou). Les fondateurs allemands de l’ordo- libéralisme partageaient cette critique et évoquaient des limites à la démocratie sans aller jusqu’aux prescriptions de Schmidt (avant qu’il se rallie au nazisme).  En 1975, le rapport pour la Commission Trilatérale « La crise de la démocratie » (Samuel Huntington, Michel Crozier et Joji Wanatuki) regrettait l’excès de démocratie comme facteur de fragilisation de l’État : « Des groupes sociaux marginaux, les Noirs par exemple, participent maintenant pleinement au système politique. Et le danger demeure de surcharger le système politique d’exigences qui étendent ses fonctions et sapent son autorité ».  Il demandait de limiter l’extension de la démocratie : « Nous en sommes arrivés à reconnaitre qu’il y a des limites potentiellement désirables à la croissance économique. Il y a aussi des limites potentiellement désirables à l’extension indéfinie de la démocratie ».

– L’autoritarisme a marqué la mise en place du néolibéralisme aux États-Unis avec la  répression des  actions syndicales dans les entreprises dès les années 1970. Il  s’est accentuée dans les années 1980 après l’arrivée au pouvoir de M. Thatcher et de R. Reagan, qui ont infligé deux grandes défaites du mouvement salariés (grève des mineurs et  des transports aériens respectivement). Le cas extrême fut celui de la dictature Pinochet au Chili qui appliqua une politique économique ultra libérale avec la bénédiction de Milton Friedman et de Friedrich Hayek.

–  Le degré  d’autoritarisme est une fonction croissante du degré de libéralisme économique. « Je crois que si l’on voulait à l’époque moderne avoir un système économique libéral  tel que le souhaiteraient M. Von Hayek et J. Rueff, il faudrait la dictature politique » écrivait Raymond Aron (1952).  Dans le cas d’un néolibéralisme modéré, l’autoritarisme dépend de l’ampleur des contestations des réformes et du  degré de fermeté du gouvernement pour  les appliquer.  En France, la force des mouvements et le maintien du cap des réformes par Emmanuel  Macron expliquent la dérive  autoritaire actuelle (attitude face aux « gilets jaunes », lois restrictives de la liberté d’expression).

III. Le néolibéralisme, destructeur des conditions sociales de la démocratie.

– Le néolibéralisme a renforcé  la domination sociale, sapant le fondement égalitaire de la démocratie

D’une part, il a créé deux machines efficaces pour  discipliner le salariat : la contrainte extérieure par l’impératif de compétitivité et la contrainte financière par l’impératif de rendement actionnarial (Frédéric  Lordon). La libéralisation des marchés et de la finance a subordonné la gestion des firmes et donc celle du travail au maintien de la rentabilité financière. Les années 1980 ont vu la revanche des détenteurs de capitaux et le début de la réduction du pouvoir syndical dans les entreprises.

D’autre part, ces politiques ont aggravé la fracturation sociale de la société. La libéralisation a aggravé les inégalités de revenu et de patrimoine, surtout dans les pays anglo-saxons (Thomas Piketty) sous l’effet de la financiarisation et de la mondialisation, mais aussi la fracture entre les gagnants et les perdants de la mondialisation ainsi que la fracture entre les  territoires.

– Le néolibéralisme a dégradé la qualité des relations sociales, importante pour la démocratie.

D’une part, il a contribué à mettre en cause les collectifs organisés. « Le néolibéralisme est un programme de destruction des structures collectives capables de faire obstacle à la logique du marché pur (..): nation (..), groupes de travail (…), collectifs de défense des droits des travailleurs, syndicats, associations, coopératives, familles même » (Pierre Bourdieu). D’autre part, il produit un enrôlement des comportements individuels dans le tourbillon de la compétition au sein du secteur marchand et  aussi du secteur non marchand.  Il tend à substituer « l’homo economicus » à « l’homo politicus », généralisant la logique économique à toutes les sphères de la vie sociale (Wendy Brown). Il produit également une injonction à l’adaptation permanente (Barbara Stiegler).

IV.Le néolibéralisme, facteur de fragilisation de la démocratie.

– Le néolibéralisme est à l’origine de la fracture politique entre le « peuple » et les « élites ».

La domination sociale et l’aggravation des disparités sociales favorisent la capture du jeu politique par les puissances économiques, accentuée par la fusion des intérêts privés et publics (va et vient entre les deux secteurs) et par le financement privé de la politique. Cela provoque un sentiment d’exclusion de « ceux d’en bas » par rapport à « ceux d’en haut », une défiance du peuple envers les milieux dirigeants. De plus, comme les élections n’apportent pas de solution aux mécontentements du fait d’une continuité des choix publics indépendamment des couleurs politiques des dirigeants,  cela alimente la crise de la démocratie représentative, avec notamment une tendance à l’abstention dans les milieux populaires et chez les jeunes. Un cercle vicieux peut s’établir entre les politiques néolibérales et la fracture démocratique : les premières dégradent la situation sociale, d’où la défiance populaire qui favorise la capture des politiques par les puissances économiques, ce qui accentue les politiques néolibérales (J-F. Spitz).

– Cette fracture alimente la  dérive populiste notamment aux États-Unis  (Trump), au Royaume Uni (Brexit), au Brésil (Bolsonaro) et sur le continent européen (partis d’extrême droite) ainsi que la dérive illibérale (Hongrie et Pologne notamment).  Des dirigeants de droite détournent les frustrations populaires vers des bouc-émissaires (les minorités, les étrangers) en s’appuyant sur plusieurs ressorts : les réactions identitaires et nationalistes liées aux effets économiques et culturels de la mondialisation, la défiance vis-à-vis des partis de la gauche de gouvernement dûe à leurs concessions au néolibéralisme et  les progrès de l’individualisme et de l’irrationalité qui portent atteinte aux valeurs citoyennes.

Au total, la défense de la démocratie reste un défi à l’ordre du jour  dans nos pays qui disposent pourtant d’une longue expérience démocratique institutionnalisée. Cela suppose de rompre avec les mécanismes économiques (le primat des marchés) et institutionnels (les normes imposées) qui ont conduit depuis plusieurs décennies à déconnecter les politiques suivies de la souveraineté populaire.

Pour y parvenir,  il est possible de s’appuyer sur l’aspiration majoritaire des peuples à étendre et à renforcer la démocratie à divers niveaux (local, national, européen).

Michel Cabannes, économiste, intervenant au Café Economique de Pessac

« Relance(s), emploi, cohésion sociale : où en sommes-nous ? »

Notre débat prévu le Mardi 15 décembre 2020 sur le thème
« Relance (s), emploi, cohésion sociale : où en sommes-nous ? »
vous est présenté sous forme de chronique
par Jean Luc GIBOU, intervenant

 

Les  spécificités de cette crise tiennent tout d’abord aux différences avec la crise de 1929 et celle des subprimes en 2008, qui ont des origines financières voire économiques.

Elle résulte d’une épidémie, devenue pandémie et qui, traitée avec retard aboutit à une véritable « crise sanitaire », que les politiques d’austérité sur la santé menées ces dernières années n’ont pas permis de réguler.

II s’en suit la mise sous cloche des économies, par le confinement, sous l’impulsion et l’autorité des pouvoirs publics, qui entraîne un blocage de l’économie réelle ; il en résulte une récession, que l’on n’avait pas connue depuis la fin de la guerre. Elle affecte différemment les pays riches et les pays pauvres. Ces derniers ont fait les frais de l’effondrement du cours des matières premières, notamment le pétrole auquel il faut ajouter la baisse des revenus du tourisme, des exportations de matières premières, des travailleurs immigrés des pays riches, ainsi que la réduction des flux de capitaux, et la hausse du dollar.

Tous ces facteurs ont contribué à une situation dramatique des pays pauvres, dont certains connaissent un endettement nécessitant des aides d’urgence. Dans les pays avancés, la récession a été très forte, dont l’ampleur pour 2020 est évaluée à 8-9 %, ce qui pose au passage le problème de l’utilisation d’indicateurs statistiques appropriés à la période.

Les pays développés ont été contraints d’assouplir les restrictions imposées aux politiques budgétaires, y compris dans la zone euro. Les mesures de soutien budgétaire ont été différentes selon les pays. Ainsi en juin 2020, elles représentaient 16 % du PIB des USA, 47% du PIB allemand, 21% du PIB français, 35% du PIB italien et 15% du PIB espagnol. Notons l’importance apportée par la France et l’Italie pour la préservation du lien issu du contrat salarial et ce, par le recours massif au chômage partiel, à l’instar de l’Allemagne en 2008.

Il s’agit donc bien d’une triple crise à la fois sanitaire, économique et sociale.

Dans un premier temps, nous allons tenter de voir en quoi les différentes réponses en tiennent compte, au-delà de l’urgence, à travers les politiques dites de relance et leurs limites. Dans un deuxième temps, nous tenterons d’en  décrypter  les enjeux majeurs que sont l’emploi et la cohésion sociale. Dans un troisième temps, nous questionnerons  le rôle et la place des acteurs sociaux. Enfin, nous tenterons d’explorer quelques voies de sortie.

I.Relance(s) : acte I et après… La relance est-elle le  bon terme ?

On pourrait penser qu’il s’agit de revenir à ce qui était « avant » et au-delà de la « 1ème vague » Comment  faire repartir l’économie ? Avec qui et comment ?

Cette  » crise sans précédent  » [1] génère des réponses nouvelles. Pour cela, deux niveaux sont pris en compte : le niveau européen, et le niveau national.

Dans un premier temps,  l’UE a mobilisé une enveloppe de 540 Md€ sur son budget pour contribuer au financement par les Etats de leurs plans d’urgence.

Cette enveloppe est dotée de trois composantes :

  • Une ligne budgétaire de 240 Md€ dite PCS (Pandémic Crisis Support) affectée au Mécanisme Européen de Solidarité, à laquelle aucun pays en août 2020 n’avait eu recours.
  • Un fond de garantie des prêts des Etats d’un montant de 200 Md€.
  • Un fond dit SURE (Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency) de 100Md€ de prêts aux Etats pour financer leur système de chômage partiel.

Ces trois mesures sont les seules aides, distribuées exclusivement sous forme de crédits et non de subvention, en sachant que les premiers versements du budget pluri-annuel de l’UE et des plans de relance européens ne seront disponibles pour les Etats avant le 1er trimestre 2020, si leur plan de relance n’est contesté ni par la Commission, ni par les Etats.

Le 21juillet 2020, le Conseil Européen réussit, après cinq  jours de négociation, d’obtenir le fameux accord unanime sur son plan de relance, qui a été ratifié par le Parlement européen.

Si le contrôle souple a bien été admis pour la conditionnalité des fonds, il n’est pas de même pour le respect du critère de « respect de l’Etat de droit », toujours mis en cause par les régimes « illibéraux » de Hongrie et de Pologne.

Le plan de relance européen, d’un montant de 750 Md€ est incorporé dans un projet de budget pluriannuel de l’UE (2021-2027) dont l’essentiel (672,5 Md€) est inscrit dans un programme spécifique dénommé « Facilités pour la reprise et la résilience » qui comprend 360 Md€ de prêts et 312,5 Md€ de subventions.

Les subventions devront être engagées pour 70% d’ici la fin 2023, dont 70% au moins en 2021-2022. Les plans de relance nationaux,  pour être validés par la Commission, devront renforcer la croissance potentielle, soutenir l’emploi et la résilience économique et sociale des Etats-membre et contribuer à la transition verte et numérique. Des plans de relance voient le jour. Ils apparaissent de montants plus faibles par rapport aux mesures d’urgence.

Ainsi, les 130 Md€ du plan de l’Allemagne, voté dès juin 2020 en comparaison du montant de mesures d’urgence (1500 Md€) ; il en est de même pour la France avec 455 Md€ de plan d’urgence et 100 Md€ de plan de relance.

Ce dernier comporte trois grands axes :

  • Ecologie(30Md€) dont notamment la rénovation des bâtiments publics et des logements privés, les infrastructures et la mobilité verte, les technologies vertes  puis la décarbonation de l’industrie, la transition agricole.
  • Compétitivité (34Md€) avec 20Md€ pour la fiscalité des entreprises puis les aides aux fonds propres et divers soutiens sectoriels (automobile et aéronautique) et horizontaux.
  • Cohésion (36Md€) dont la sauvegarde de l’emploi, activité partielle de longue durée (7,6 Md€), jeunes (8 Md€), recherche  (2,7Md€), Ségur de la santé et dépendance (2, 96 Md €), coopération sanitaire et vaccins (6 Md€ ).

Notons  tout d’abord que ce plan a des effets importants sur un certain nombre de secteurs, plus particulièrement l’automobile par le truchement d’une grande partie des mesures écologiques, ainsi que des mesures horizontales de compétitivité.

Ensuite, la baisse des impôts sur la production, dans l’axe « compétitivité », de 20Md€, ont des effets défavorables sur les ressources des collectivités locales compensés  par un prélèvement sur la TVA ; alors que la baisse de l’impôt sur les sociétés est maintenu  et qu’une quelconque conditionnalité à ces aides n’a été envisagée.

Notons qu’un cinquième du plan de relance n’est pas financé par l’Etat, mais aussi par les administrations de la sécurité sociale, BPI France et la Banque des Territoires.

En comparaison avec l’Allemagne, on peut dire que le plan français est consacré pour 30% à la lutte contre la crise à court terme et 70% à la reconstruction économique à court-moyen terme,  alors que nous sommes dans une proportion inverse pour l’Allemagne.

Les marchés financiers se sont bien tenus et « l’épargne forcée » des ménages, que ces derniers n’ont pas pu dépenser pendant le confinement, ne sera pas pour autant le « trésor caché » qui soutiendra la reprise.

La reprise est probablement plus difficile que ce que prévoit un certain consensus des experts en mars 2020 .

 II.Deux enjeux majeurs : l’emploi et la cohésion sociale

La dégradation des indicateurs sur l’ emploi et le chômage, mais aussi le type de réponses des pouvoirs publics, illustrent la nature de la période.

Ainsi dès le premier jour du confinement, le 17 mars, les entreprises se séparent de leurs salariés en contrat court (intérim, CDD, temps partiels …), 500 000 emplois avaient disparu à la fin du premier trimestre 2020.

Pendant le confinement, la situation se calme grâce au recours massif et rapide au dispositif d’activité partielle (ou chômage partiel), qui rémunère 70% du salaire brut (84% du salaire net) sur les heures chômées.

Ce dispositif a concerné 7, 2 millions de salariés dès le mois de mars, puis 8,8 millions en avril, 7,9 millions en mai et encore 4,5 millions en juin.

Cette intervention massive a coûté 19,5 Md€ aux finances publiques.

Le gouvernement décide de réduire son soutien à partir du 1er juin, il ne rembourse plus que 85% aux entreprises de ce qu’elles versent aux salariés. Les destructions d’emplois reprennent lentement (120 000 au 2ème trimestre). Le gouvernement a choisi de maintenir le dispositif existant en le rendant moins « généreux » à partir du 1er octobre.

Ainsi, le salarié ne touche plus que 72% du salaire net (contre 84% pendant le confinement) et l’Etat ne remboursera que 60% de ce que les entreprises versent aux salariés (contre 100% initialement).

En plus de ce dispositif, l’exécutif en a imaginé un nouveau, l’activité partielle de longue durée (APLD), destinée aux secteurs touchés dans la durée comme l’aéronautique ; il sera plus « généreux  » que l’AP sur le montant du remboursement des heures chômées (reste à charge de 10 à 14% pour l’employeur), mais sera limité sur le volume d’heures (40% d’un temps plein).

Globalement, 700 000 emplois ont été détruits entre entre le 1er janvier et le 1er juillet 2020.

La lutte contre le chômage n’est pas une priorité du plan français de relance, la création de 160 000 emplois est prévue, alors que 715 000 emplois ont été supprimés au cours du 1ertrimestre 2020 (-2,8% de l’emploi salarié).

Une note du 14 septembre de l’OFCE[2] estimait les destructions d’emplois à 840 000 en 2020 et que l’économie française créerait 540 000 emplois, dont 450 000 emplois salariés, avec un taux de chômage de 11%  en fin d’année 2020, qui devrait baisser à 9,6 % en fin 2021.

Ces prévisions étant largement subordonnées à l’évolution de la situation sanitaire et aux différentes restrictions qu’elle impose pour contenir l’épidémie.

Dès le début de l’été, une vague de plans sociaux arrive en cascade, notamment dans l’aéronautique (Airbus), l’automobile (Renault), le commerce (CamaÏeux) ou encore l’hôtellerie-restauration, la société Trendéo a recensé plus de 35 000 suppressions d’emplois au cours des 3 derniers mois de septembre, octobre, novembre.[3]

Fin novembre, la DARES (Ministère du Travail) dénombrait  657 restructurations engagées représentant 67 605 emplois depuis le 2 mars 2020.

Un des gros risque de la crise réside dans la probabilité d’un nombre important de faillites, donc de disparition d’entreprises, dont nombre d’entre elles étaient déjà fragiles avant la crise.

Pour diverses raisons, les fermetures et faillites semblent contenues, avec des entreprises « sous perfusion ». même si des réponses ont pu être apportées dans un premier temps (prêt, fonds de solidarité…), d’autant qu’un certain nombre de secteurs  restent   « sinistrés «, notamment le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, l’évènementiel, diverses activités commerciales et culturelles.

La cohésion sociale est mise à mal en France et en Europe.[4]

Elle est marquée par l’extension et l’accroissement de la pauvreté, de la précarité et la présence d’une violence sociale plus ou moins diffuse.

Les inégalités sont de plus en plus importantes et criantes, il apparaît selon un rapport de l’ ONG Oxfam publié le 10 septembre[5] que les 25 milliardaires les plus riches du monde ont vu leur patrimoine augmenter de 255 milliards de dollars entre mi-mars et fin mai. Les jeunes et les femmes sont les plus exposés face à la pandémie. Le taux de pauvreté des jeunes de 18 à 29 ans est passé de 8 à 13%, selon un  rapport du 26 novembre de l’Observatoire des Inégalités, qui repose la question de l’ouverture du RSA aux moins de 25 ans et de l’accessibilité des jeunes aux aides sociales.[6]

III. mais aussi la place des acteurs sociaux ?

Tout d’abord, nous avons des « patronats », du dirigeant de grand groupe au patron de PME ou  TPE familiale, qui sont surtout préoccupés par l’accroissement des différentes contraintes, à la fois économiques et/ ou sociales   (y compris celles des divers protocoles sanitaires ), qui pèsent sur leurs entreprises et établissements et que leurs représentants cherchent à rendre plus « supportables » pour améliorer la productivité et la compétitivité.

Dans le même temps, les organisations syndicales de salariés devaient articuler les discussions au niveau national, crise oblige, et la mise en œuvre des nouvelles dispositions dans les entreprises.

Notons que les droits collectifs ont été amoindris en matière de représentation et d’intervention dans les entreprises, conséquences directes des ordonnances Travail de 2017.

Parallèlement, la « digue » du droit du travail  s’est assouplie depuis le début de la crise.

Mais, le 14 octobre dernier les cinq organisations syndicales représentatives, la CGT, la CFDT, FO, la CFE-CGC, la CFTC, écrivent au Premier Ministre, avec copie au Président de la République,  et formulent un certain nombre d’exigences portant plus particulièrement sur plusieurs sujets :

  • l’abandon des réformes de l’Assurance-chômage et des Retraites,
  • la prise en compte du sort des salariés de « deuxième ligne », si utiles à la société,
  • les contreparties pour les entreprises, disposant d’aides publiques massives, en termes de maintien de l’emploi, de salaire et de contrôle public.

Plusieurs autres sujets vont tour à tour alimenter l’actualité.

Tout d’abord, le sujet générique, la protection sociale, qui permet de remplacer un revenu salarial (chômage partiel, assurance chômage), les minimas sociaux, mais aussi les différentes prestations de solidarité qui existaient et/ou qui ont été créées.

Ensuite, les restructurations, les plans sociaux et leurs conséquences sur l’emploi.[7]

On a assisté à une véritable accélération des restructurations où le prétexte de « sauver l’emploi » permet à l’Etat  « d’adapter » les différentes procédures aux besoins des employeurs, mais aussi  fait apparaître le Covid comme un alibi des plans sociaux[8].

La panoplie des outils existants est éloquente, depuis le Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE)[9], en passant successivement par le Plan de Départ Volontaire (PDV)[10], la Rupture Conventionnelle Collective (RCC)[11], l’Accord de Performance Collective(APC)[12] pour terminer avec le dernier-né, l’Accord d’Activité Partielle de Longue Durée(APLD).[13]

La RCC et l’APC sont issus des Ordonnances Travail de 2017.

Notons qu’un employeur peut néanmoins négocier avec les syndicats un APLD, et en même temps un PSE, une APC ou une RCC.

Enfin, le télétravail, dont la diffusion, qui a été privilégiée durant le confinement, a concerné jusqu’à 8 millions de français.

Notons si tous les métiers ne sont pas « télétravaillables », il n’a peut-être pas donné toutes ses potentialités positives et négatives, au regard de ses impacts économiques et sociaux.

S’il peut être un vecteur d’autonomie personnelle, il est aussi synonyme d’horaires de travail plus longs et décalés, d’isolement,  et plus globalement de difficultés à concilier la vie professionnelle et la vie familiale.

Dans le même temps, l’éclatement de la collectivité de travail et la dilution de la culture d’entreprises cassent des repères collectifs importants. Dans ces conditions, la négociation d’un cadre global est devenue vital.

Reprenant des dispositions comme l’adhésion du travailleur, sauf en période exceptionnelle et la réversibilité, avec la possibilité de retourner à son poste ; il rappelle des obligations existantes comme le droit à la déconnexion, la prise en charge des frais professionnels, la durée du travail et le temps de repos…

L’Accord National Interprofessionnel en cours de signature doit permettre d’y répondre, même s’il n’est pas affiché un caractère ouvertement «normatif », sous forme de vadémécum, l’ensemble des organisations syndicales représentatives, sauf la CGT, l’ont validé.

Quelles voies pour en sortir ?

La sortie de crise ne sera pas un « remake » des précédentes. L’articulation de l’intervention publique entre la politique sanitaire et la politique économique devient centrale.

C’est là que le gouvernement pêche, y compris en voulant prévenir une crise sociale d’ampleur, parallèlement à une « troisième vague » de contamination.

Les traces durables qui marquent le fonctionnement de notre appareil productif, tout comme notre société, implique des « réorientations ».[14]

Elles ne peuvent se résumer à un « plan » (de relance ) certe bien renseigné en termes d’axes d’intervention, de financements à mettre derrière…mais qui comporte des difficultés pour être rendu opérationnel à court-moyen terme et répondre aux besoins de la période.

On peut avancer sur plusieurs terrains en s’appuyant sur de véritables dynamiques territoriales.

  • En premier lieu, des investissements publics massifs vers les « biens communs », tout d’abord la santé avec une création massive d’emplois publics, mais aussi l’éducation et la culture.
  • Puis la transition écologique et énergétique en agissant sur la rénovation, l’isolation des bâtiments et sur la mobilité.
  • La réindustrialisation et la relocalisation des activités pour vivifier les tissus productifs.
  • La création et le maintien d’emplois par le développement des structures collectives : groupements d’employeurs, Territoire zéro chômeur de longue durée…

Le fameux « retour à la normale » n’est pas pour demain, si tant est qu’il soit souhaité et les débats macro-économiques, économiques sur l’avenir de la dette ou sur la future (ou non) austérité,  ne répondent pas à la situation.

Ils peuvent contribuer à tracer le chemin vers « quel type de capitalisme s’achemine-t-on ? »[15] et quelle y sera la place de l’Etat ? Numérique /Transnational, Capitalisme d’Etat autoritaire … à moins  de trouver une alternative vers un Etat démocratique et social.

Auteur Jean Luc GIBOU, membre du café économique de Pessac

(au centre de la photo)

 

[1] Michel Fried : » Crise du coronavirus : une crise sans précédent «

Note Lasaire  12/09/2020

[2] Le Monde du 15/10/2020

[3]Le Monde du 03/11/2020  (dossier « Crise sociale »)

[4]Le Monde du 20/09/2020

[5]Le Monde du 11/09/2020

[6]Le Monde 28 /11 / 2020

[7]Alternatives économiques Décembre 2020 (dossier « Plans sociaux : le COVID a-t-il bon dos ? Reportages dans toute la France «)

[8] Médiapart 30/11/2020 : Martine Orange « Plans sociaux : le Covid comme alibi «

[9] PSE : pour les entreprises de 50 salariés et plus, qui requiert l’information et la consultation des salariés, le plus « sécurisé » pour les salariés ( reclassement, accompagnement, formation …).

[10] PDV : plus souple que des licenciements « secs », avec des indemnités supérieures à un licenciement, peut permettre la réembauche d’autres salariés

[11]CC : se rapproche du PDV, l’entreprise n’a pas à justifier les difficultés économiques, ni à ouvrir de PSE, requiert un accord signé des syndicats majoritaires.

[12]PC : requiert également un accord signé des syndicats majoritaires et permet sans justification économique  de modifier la rémunération, le temps de travail ou de jouer sur la mobilité. Le salarié qui refuse est licencié.

[13]PLD : a la vocation à préserver l’emploi, grâce à des aides publiques versées sur des heures chômées. Il est conditionné à la signature d’un accord collectif et à des engagements de maintien de l’emploi et de formation des salariés.

[14] Journées Economie autrement Dijon 27-28/11/2020

(Séance inaugurale : « Relance : comment faire et pour quelles finalités ? « )

[15]Robert Boyer : «Comment le Covid-19 remodèle l’économie. Un pandémie , deux avenirs «

Le Monde Diplomatique Novembre 2020. « Les capitalismes à l’épreuve de la pandémie » Editions la Découverte.

Conférence GOÛTS TERRITOIRES & POLITIQUES ALIMENTAIRES EN NOUVELLE-AQUITAINE

L’Institut du Goût Nouvelle -Aquitaine vous propose une Conférence le

Mercredi 16 Septembre 2020  10h00-12h00

 

« GOÛTS TERRITOIRES & POLITIQUES ALIMENTAIRES »

EN NOUVELLE-AQUITAINE

 

Lieu : Hôtel de Région Bordeaux Salle Plénière (sur réservation)

Merci de confirmer votre venue par mail : gout.nouvelleaquitaine@gmail.com

L’association https://institutdugoutnouvelleaquitaine.fr/l-igna

(Notre Association Le Café Economique est partenaire de l’IGNA et reprendra son activité/débats au mois d’Octobre 2020)

Nous vous souhaitons un Bel Eté !

Le bureau

 

Réunion publique Vendredi 3 juillet 19 h « Que faire de la dette ? »

 

Les amis du monde Diplomatique de la Gironde vous convient à une réunion publique

Vendredi 3 Juillet à 19 h à l’espace Jean Vautrin (chapelle de Mussonville) rue Alexis Labro à Bègles  tram C arrêt « parc Mussonville », bus ligne 15

Chacun (e) a pu constater une envolée de la dette de l’état suite aux aides et prêts accordé aux entreprises et aux ménages. Il nous a paru utile voire nécessaire d’en faire le point.

Que faire de la dette ?

Le Covid 19 a provoqué l’interruption de l’activité qui a déclenché une crise économique inédite. Cela a eu notamment pour effet la dégradation des finances publiques d’autant que les gouvernements n’ont pas lésiné sur l’ampleur des sommes consacrées au soutien des revenus des ménages et des entreprises. Il en résulte un important gonflement de la dette publique.

Quelle est la signification de cette augmentation ? Quelles doivent en être les conséquences ? Les propositions se sont multipliées sur les moyens d’y faire face. Quelles sont les diverses solutions disponibles pour répondre à sa progression ?

Ce thème de la dette a déjà été instrumentalisé après la crise de 2008-2009 pour justifier des politiques d’austérité. En sera-t-il de même dans les prochaines années ?

Avec Michel Cabannes, économiste et ex enseignant à l’université de Bordeaux.

** La taille de la salle permettra l’espacement des participants, mais le port du masque est fortement recommandé
Entrée libre.
Bar, tapas dès 18h30.

 

Après le choc : relance et choix structurels de Michel Cabannes, économiste

Bonjour,

L’association Le Café Economique de Pessac vous fait partager un texte rédigé par Michel Cabannes ( économiste) sur les choix économiques de l’après Covid 19, intégrant des éléments des visio-rencontres et de ses lectures.

Alors que les politiques de relance font consensus, les choix économiques structurels essentiels pour l’avenir suscitent des divergences. Pour ceux qui voudraient approfondir certaines questions voir la bibliographie en fin de texte.

Après le choc : relance et choix structurels

 

Le Covid 19 a créé un choc économique considérable. Dans l’urgence, pour le contenir, les États ont décidé des mesures draconiennes qui ont mis les économies à l’arrêt. Ils ont montré qu’ils peuvent interrompre la machine économique dont on disait qu’elle était impossible à contrôler (Hartmut Rosa, Bruno Latour). Dans l’urgence, « l’impossible redevient possible » (Anne Eydoux). Les 4/5 des 3,3 milliards d’actifs ont subi la fermeture totale ou partielle du lieu de travail. En France, l’activité a chuté environ d’1/3 pendant les deux mois de confinement. Les demandes d’emploi ont cru de 30% en trois mois pour atteindre 4,575 millions fin avril. La consommation a baissé par rapport au revenu.

Le Covid 19 a créé une incertitude qui affecte  la demande et sur l’offre après le déconfinement.  Il produit un effet inhibiteur sur la consommation des ménages et les investissements  des entreprises. Les normes sanitaires dégradent les conditions de l’offre (choc négatif de productivité) : baisse du chiffre d’affaire,  hausse des charges fixes, perturbation des chaines d’approvisionnement. Les secteurs les plus touchés sont l’aérien, le tourisme, le ferroviaire, les services à la personne. La baisse de la rentabilité incite les entreprises à réduire les effectifs pour restaurer leurs marges.

Les États ont réagi rapidement au choc économique par des politiques macroéconomiques de relance, à l’image de la réaction initiale à la crise financière de 2008, ce qui est une victoire du keynésianisme qu’il faut cependant relativiser (I).

Leurs politiques structurelles vont devoir intégrer des aspirations écologiques, sociales et d’autonomie, soit en restant sur la trajectoire néolibérale, soit en s’en écartant pour des projets alternatifs (II).

l . La relance, nécessaire et limitée.

Le ralliement des États aux solutions de type keynésien face aux crises, déjà évident pour le court terme en 2008-2009, est confirmé par leurs réactions au choc économique du Covid 19. Mais la victoire du keynésianisme, outre qu’elle n’est pas forcément définitive, doit être relativisée dans le contexte de la persistance du  néolibéralisme et de la dégradation du capitalisme

I.1.  Le choc macroéconomique.

En France, le PIB doit chuter en 2020 de 8 à 10% (Commission UE -8,2%, Xerfi -9,6%) avant de connaitre la croissance en 2021 (Commission 7,4%, Xerfi  9,1%), mais il resterait fin 2021 inférieur au niveau de fin 2019. En 2020, il doit y avoir 900000 destructions d’emplois (Xerfi), le solde financier public doit atteindre -9,9% PIB et la dette publique 116,5% PIB (Commission UE)

Dans l’Union Européenne, le PIB doit chuter de 7,4% en 2020 puis croître de 6,1% en 2021. En 2020, la baisse est inférieure à la moyenne dans les PECO (Pologne -4,5%), les pays nordiques, les pays germaniques (Allemagne -6,5%) et supérieure à la moyenne en France (-8,2%), en Grèce, en Italie, en Espagne, en Irlande, en Croatie, en Lituanie. En 2020, le solde financier public moyen doit atteindre -8,5% du PIB, et la dette  publique moyenne 102,7% du PIB (Commission UE).

Dans le monde, le PIB doit baisser de 3% en 2020, davantage dans les pays avancés (-6,1%) que dans les pays émergents et en développement (-1%) (FMI). La crise de l’emploi, la crise sociale et la crise des finances publiques doivent se conjuguer en 2020. En 2021, le PIB pourrait croître de nouveau (Monde 5,8%, Pays avancés 4,5%, Pays émergents du Sud 6,6%) (FMI)

I.2. Un soutien général.

a) Les politiques de soutien initial. 

Les politiques monétaires ont apporté un soutien massif aux banques. La BCE a injecté 700M€ en deux mois. Les politiques budgétaires ont soutenu  les revenus des ménages et des entreprises. Dans l’UE, ces dépenses  ont atteint 2,5% du PIB, de 1% à 3% PIB suivant les pays ; les prêts  d’urgence de l’UE  ont atteint 540M€. En France, le soutien a été de 110M (chômage partiel 42M€), report de cotisations et d’impôts, garantie de  l’État aux prêts d’un an aux entreprises (300M€).

b) Les politiques  de soutien prolongé.

Au plan budgétaire, on ne renouvelle pas l’erreur des politiques d’austérité qui avaient bloqué  la reprise après la crise de 2009. Le plan de relance de la Commission contient 750M€ de dépenses financées par emprunts sur les marchés ; 500M de subventions iront du budget européen aux États les plus affectés par le Covid 19 ; 250M€ seront des prêts. La question du remboursement de 500M est renvoyée à plus tard.  Certains pays du Nord de l’Europe sont réservés. En France, l’État soutient fortement les grandes entreprises  de l’automobile et du secteur aérien.

Au plan monétaire, les banques centrales continuent la politique d’expansion afin de soutenir le système financier et l’économie. E, Europe, le soutien apporté par la BCE aux États membres s’impose d’autant  plus que l’on cherche surtout à éviter une nouvelle crise de la zone euro. Toutefois une contestation  d’inspiration ordo-libérale subsiste en Allemagne comme le montre l’arrêt de la Cour de Karlsruhe.

I.3.  Une victoire du keynésianisme à relativiser.

a) Une victoire dans le cadre macroéconomique.

Le keynésianisme l’a emporté sur l’orthodoxie lors du confinement. Les États ont procédé à des politiques de soutien pour assurer la stabilité des revenus des ménages et des entreprises. La défense du système l’emporte sur les autres considérations. Cela avait déjà été le cas à la fin de 2008 et en 2009. Les leçons de la crise des années 1930 ont été tirées en 2020 comme en 2008.

Le keynésianisme l’emporte aussi  pour la sortie de crise. Les banques centrales poursuivent  les politiques d’abondance monétaire, de faibles taux d’intérêt, d’acquisition de titres de dette publique. Les États adoptent des politiques budgétaires de relance pour limiter la récession après la phase aigüe de la crise. Toutefois, un retour des thèses des tenants de l’orthodoxie pourrait se produire d’ici 2022 au vu de l’ampleur des dérapages des déficits et de la dette.

b) La compatibilité avec le néolibéralisme.

Le néolibéralisme est compatible avec l’expansionnisme monétaire. Il n’implique pas forcément l’austérité monétaire, même si celle-ci a contribué à son implantation au début des années 1980 en créant un chômage massif qui a réduit l’inflation et le pouvoir des salariés. Depuis lors, les politiques monétaires permissives sont possibles sans inflation. Les politiques de faibles taux d’intérêt, voulues par Keynes pour stimuler l’emploi  et « euthanasier les rentiers » sont aujourd’hui réclamées par les milieux financiers qui en retirent des gains en capital.

Le néolibéralisme est compatible avec des relances budgétaires. L’histoire des États-Unis montre qu’il s’accommode de déficits publics énormes, y compris sous des présidents conservateurs (Reagan, Bush et Trump). Il relève des politiques structurelles et il peut être associé à diverses politiques macro-économiques dont la relance. « Cette stratégie néokeynésienne est une variante connue du néolibéralisme. Elle s’appuie sur l’idée que l’État doit intervenir en cas de choc exogène, pour rétablir la rentabilité du capital et la normalité du fonctionnement des marchés » (R. Godin).

c) Les limites d’une relance keynésienne.

Les politiques de relance keynésienne ne suffisent pas pour s’attaquer aux effets structurels du Covid 19, à la dégradation du capitalisme et au réchauffement climatique.

La crise du Covid 19 nécessite des transformations productives. Elle favorise notamment l’essor du capitalisme numérique au détriment des autres activités. « A l’échelle de la société, cette crise va être un accélérateur de la transformation du monde » (Daniel  Cohen). Tout cela appelle des politiques  pour réorienter la production, l’emploi et la formation.

Le Covid 19 n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Le capitalisme néolibéral ne va pas bien. Les gains de productivité et la croissance du PIB tendent à diminuer dans les pays avancés. La gestion actionnariale, la mondialisation et la financiarisation soutiennent la rentabilité du capital. Mais cela augmente les inégalités, réduit la part des salaires dans la valeur ajoutée, dégrade les finances publiques et produit des crises financières. L’environnement ne cesse de se dégrader et le climat de se réchauffer (Jean-Marie Harribey). Plus récemment, la prospérité de la finance contraste avec la croissance ralentie de la production et des échanges mondiaux (Michel Husson).

La lutte contre le réchauffement  climatique implique d’énormes transformations de la production, de la consommation et des techniques  ainsi que les reconversions et la formation des salariés. La limitation de la croissance nécessite la réduction du temps de travail pour préserver l’emploi.

ll. Les choix structurels : continuité ou bifurcations ? 

La crise du Covid 19 et la dégradation écologique ont provoqué de fortes aspirations au changement dans la société. On se trouve à un carrefour décisif. Va-t-on choisir de simples inflexions  dans le cadre de la continuité de la trajectoire des politiques néolibérale ? Va-ton choisir des bifurcations écologiques et sociales, des changements de cap  véritables ?

II.1. Les demandes de changements.

a) Plus d’écologie.

« Cette crise nous pousse à nous interroger sur notre mode de vie, sur nos vrais besoins masqués dans les aliénations du quotidien » (Edgar Morin). « Le virus nous a forcés à vivre une expérience globale et métaphorique des désastres exponentiels à l’œuvre, qui nous menacent tous autant que nous sommes : le dérèglement climatique, la destruction des milieux de vie ou la raréfaction des ressources » (Geneviève  Azam). La préservation de notre habitat devient prioritaire. « Notre terre risque de devenir inhabitable. Au réchauffement climatique, à la perte de la biodiversité, à l’épuisement des ressources naturelles, s’ajoute maintenant la crise sanitaire. Dans les décennies à venir, l’objectif essentiel ne doit plus être la croissance mais la préservation de notre habitat. Non plus développer les nouveaux besoins plus ou moins artificiels, mais de satisfaire les besoins de base de la population, en limitant les dégâts écologiques et même en les réparant » (Henri Sterdyniak).

b) Plus de social.

Les demandes de la population ont été renforcées par les carences dénoncées lors de la crise sanitaire: mieux rémunérer les « premiers de corvée », les plus utiles socialement ; réduire les inégalités en forte augmentation, combler les trous de la protection sociale pour les plus démunis qui en sont exclus, combler les graves lacunes des systèmes de santé et de soins aux personnes âgées. L’essor des communs refondant les services publics est également demandé (Benjamin Coriat).

c) Moins de mondialisation.

La demande de relocalisation est massive: 9 français sur 10 veulent qu’on favorise la relocalisation des entreprises industrielles (Sondage Odoxa Comfluence). En France, la crise a montré la nécessité d’une réindustrialisation pour des raisons économiques et d’indépendance (Louis  Gallois).  L’opinion publique exige plus de sécurité sanitaire et plus de sécurité alimentaire.

d) Complémentarités entre les choix.

La priorité écologique implique un objectif égalitaire. Les inégalités sociales sont énormes pour la pollution subie et pour les émissions de GES (rapport 10% plus riches/ 10% plus pauvres : 8 en France, 24 aux USA, 46 au Brésil). Davantage de justice sociale est nécessaire pour faire accepter la transition écologique par tous et pour réduire le consumérisme alimenté par l’imitation des riches.

Une loi d’airain régit les projets réformateurs: plus les objectifs s‘éloignent des résultats du marché, plus cela nécessite des moyens interventionnistes. Cela vaut dans tous les domaines. Plus l’écologie est prioritaire, plus il faut des instruments efficaces pour infléchir les comportements des entreprises et des ménages. Plus le social est prioritaire, plus l’intervention par la fiscalité, par les transferts ou par la loi doit être importante. Plus les relocalisations sont ambitieuses, plus il faut intervenir pour limiter le libre échange.

ll.2. La continuité : le néolibéralisme amendé.

a) Le soutien à l’accumulation du capital.

La priorité au soutien des profits reste l’axe central de la politique fiscale, notamment le refus d’augmenter la fiscalité du capital et la poursuite de la baisse des charges. Il en va de même pour  le refus d’augmenter les salaires pour peser sur le partage de la valeur ajoutée et la dépense publique.

Le capital exige une soumission du travail à ses intérêts pour reconstituer ses marges après la crise. L’assouplissement du droit du travail reste un objectif du MEDEF. Geoffroy Roux de Bézieux a lancé « la question du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise et faciliter, en travaillant plus, un surplus de croissance. L’Institut Montaigne préconise la hausse de la durée du travail dans ses neuf propositions pour adapter du temps de travail en contexte de crise.

La réorganisation des services publics reste dans le collimateur des néolibéraux qui s’appuient sur la critique de la gestion publique du Covid 19 pour préconiser la managerialisation et des privatisations. Pour Olivier Babeau, la crise doit servir d’électrochoc pour des réformes structurelles.

b) Des inflexions écologiques.

Cela peut comprendre des investissements verts, un financement public à conditionnalité faible sans supprimer des aides anti-écologiques, l’essor du télétravail et des circuits courts, d’autres  objectifs (économie circulaire, rénovation énergétique) avec des moyens limités. Mais les freins sont nombreux en France: le courrier du MEDEF au gouvernement pour assouplir les normes environnementales (avril 2020), l’attribution sans conditions de 20M€ pour recapitaliser des entreprises stratégiques, le choix par l’UE de Black Rock comme conseiller sur l’environnement.  Dans la population, « l’angoisse du chômage risque de servir d’épouvantail pour reconduire le monde d’hier » (Gaël Giraud). « L’emploi est la solution imposée aux individus par le capital pour survivre » (Frédéric  Lordon). L’urgence des fins de mois risque de prévaloir sur l’angoisse de la fin du monde.

c) Des ajustements sociaux.

Cela doit comprendre des hausses des salaires limitées aux professions des « premiers de corvée », des mesures pour boucher les trous de la protection sociale pour les plus démunis et des investissements de rattrapage surtout dans la santé. Les freins  émanent des milieux économiques : « Nous devrons, sans freiner la reprise à court terme, traiter ensuite ce qui était déjà notre problème avant la crise : pour le même modèle social que nos voisins européens, nous dépensons beaucoup plus. Donc il faudra viser une gestion plus efficace » (F. Villeroy de Galhau).

d) Des relocalisations ponctuelles.

« Cette stratégie pourra prendre des aspects « progressistes » s’accompagnant  de plans de relance keynésiens ou de relocalisations ponctuelles » (Romaric Godin).  La relocalisation peut concerner certains biens de santé (masques, principes actifs des médicaments) et certains produits agricoles. Cela ne devrait pas aller au-delà. Pour la Commision de l’UE, il est  « hors de question de remettre en cause nos accords de libre échange » (Thierry. Breton). La Commission persévère dans ses options : les négociations d’élargissement avec l’Albanie et la Macédoine, les accords de libre échange avec le Viet Nam et avec le Mexique, en attendant l’Australie et la Nouvelle Zélande. La démondialisation préconisée par (Walden Bello) parait exclue dans ces conditions. Les  multinationales n’évoquent guère des relocalisations dans les pays industriels (André Gauron).

II.3. Les bifurcations : les projets  écologiques et sociaux.

a) Le tournant écologique et social dans la croissance.

De nombreux projets de transition écologique. Cela comprend notamment le Green New Deal de la gauche démocrate, porté par Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortes (AOC) et une multitude de projets en Europe dont ceux du mouvement Diem 25 (2017) et de l’Institut Veblen  (Aurore Lalucq, Mathieu Jublin). Ils englobent principalement  des grands programmes d’investissements publics verts, notamment dans les énergies renouvelables au détriment des énergies fossiles et la rénovation massive des logements. Ils comprennent souvent une dimension sociale : souvent un revenu minimum inconditionnel, parfois la garantie de l’emploi par l’État, c’est-à-dire un emploi pour tous ceux qui veulent travailler au salaire existant.

Des facilités monétaires de financement.

L’idée d’un financement monétaire des dépenses publiques formulée par la finance fonctionnelle (A. Lerner 1943) a été élargie par la New Monetary Economy. Au-delà du refinancement sur le marché secondaire, le financement direct du Trésor par la BCE (Dominique Plihon, Jean-Marie Harribey) éviterait la sanction des marchés. L’annulation de la dette publique par la BCE (Baptiste Bridonneau,  Laurence Scialom, Alain Grandjean, Nicolas Dufrène) permettrait de consacrer ces sommes à des projets écologiques. La monnaie hélicoptère (Aurore Lalucq,  Jezabel Coupée Soubeyran) aurait un effet direct sur la dépense. Ces projets ont l’avantage d’éviter l’austérité aux effets ravageurs (Gaël Giraud). Ils sont parfois critiqués comme relevant de la « monnaie magique » (Henri Sterdyniak).

b) La mutation écologique et sociale de la société.

Cette option nécessite une mobilisation pour l’écologie basée sur la sobriété et l’égalité. Cela suppose une hiérarchisation des besoins définie collectivement: les besoins vitaux, les besoins artificiels nécessaires et les besoins artificiels superflus (Razmig  Keucheyan). Cela appelle une réduction de la hiérarchie des revenus définie collectivement : un revenu mensuel minimum de 1500€ par personne impliquerait un revenu maximum au plus 4 fois supérieur (Pierre  Concialdi et ali. 2019). Cela nécessite des moyens incitatifs mais aussi coercitifs, comme des interdictions ou des quotas de consommation individuelle, utiles si la fiscalité pénalise les plus démunis sans affecter les riches. Cela implique une planification démocratique dans son élaboration et efficace dans son exécution pour atteindre les objectifs collectifs (Cédric Durand et Razmig Keucheyan).

Les « propositions pour un retour sur terre » (Dominique Bourg et ali) incluent une forte réduction de l’empreinte écologique et des moyens dirigistes (quotas d’énergie par individu, encadrement des écarts de revenus, protectionnisme coordonné et contrôle des flux de capitaux). L’ONG The climate mobilization préconise une prise en main provisoire par les États de l’économie pour réorienter  l’industrie vers l’écologie, une fiscalité exceptionnelle notamment sur les fortunes liées aux énergies fossiles et une forte mobilisation de la population incluant des interdictions et des quotas individuels d’émission de CO2 (Aurélien Boutaud et Nathalie Gondran).

c) Les enjeux des bifurcations écologiques et sociales.

L’objectif d’un réchauffement  inférieur à 2 degrés avec baisse des émissions de CO2 de 50% d’ici 2050 impliquerait une chute de l’intensité en carbone de la production et une croissance mondiale inférieure à  1%, donc nulle dans les pays du Nord pour laisser croître les pays du Sud. Cela plaide pour les projets de sobriété écologique plutôt que pour ceux de la croissance verte.

Variante 1 Variante 2 Variante 3
Variation de la production mondiale -0,72%/an 0%/an +1%/an
Variation de l’intensité en carbone de la production -1,5%/an -2,2%/an -3,2%/an

Jean-Marie Harribey, 2020, p.58.

La transition écologique doit entrainer de vives tensions pour trois motifs: le prix du carbone nécessaire écologiquement serait socialement impraticable ; Il n’y a pas de solution écologiquement efficace qui soit rapidement disponible ; les actifs potentiellement échoués du fait du changement de modèle risquent de créer une instabilité financière (Olivier Passet). Cela implique des interventions fortes suscitant des réactions.  « Le monde d’après sera un champ de bataille » (Hervé Kempf).

Enfin, le système capitaliste, même débarrassé du néolibéralisme, est plus compatible avec les projets de Green Deals qu’avec les projets fondés sur une sobriété égalitaire.

Conclusion.

« La crise du coronavirus sonnera-t-elle la fin du capitalisme néolibéral ? » (Patrick Artus). Ce n’est pas certain.  Le « monde d’après » va surtout dépendre des rapports de forces sociales.

. La continuité néolibérale amendée par la satisfaction de certaines revendications est assez probable du fait des pesanteurs économiques en l’absence d’un mouvement social. La continuité l’avait déjà emporté après la crise de 2008 (Dani Rodrik). Mais cela ne remédie pas aux difficultés structurelles du capitalisme néolibéral.

. Les bifurcations écologiques et sociales s’éloignent du néolibéralisme. Les politiques du tournant écologique et social, relevant d’une croissance verte, sont politiquement plus attractives mais risquent d’être en deçà de l’urgence écologique. Les politiques de mutation écologique et sociale, exigeantes en matière de sobriété et d’égalité, mettraient en cause le système économique en subordonnant l’économie à la satisfaction des besoins et à la préservation de la vie. 

 Michel Cabannes, Economiste (2 juin 2020)

Nous vous souhaitons une bonne lecture !

Prenez soin de vous

Le bureau

 Bibliographie

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Jeudi 28 Mai à 18h « L’analyse économique de la crise du COVID19 et les limites de son traitement keynésien »

Jeudi 28 mai 2020 18 h  Rencontre/Débat en visio-conférence 
« L’analyse économique de la crise du COVID19  et les limites de son traitement keynésien »

 

Le Jeudi 28 Mai à 18 h vous êtes invités à participer à une Rencontre/Débat en visioconférence avec  :

 

Matthieu MONTALBAN, Maître de Conférences en Sciences économiques à l’Université de Bordeaux

 

 

 

Michel CABANNES, Professeur en Sciences économiques,

 

 

 

Tous les deux membres des économistes atterrés et auteurs de plusieurs ouvrages dont certains ont été publiés aux éditions du Bord de l’Eau.

La pandémie a surgi dans une société abimée par trente ans de politiques néolibérales, qui ont contribué à déstructurer le marché du travail et à affaiblir les protections collectives, au nom d’une quête de « compétitivité » largement illusoire. La deuxième vague sera sociale. La France en récession pourrait compter 620 000 chômeurs de plus à la sortie du confinement, selon une note de l’OFCE. Ces prévisions concerneraient pour plus de la moitié les contrats cours (CDD et Intérim), et refléteraient « la flexibilité accrue du marché du travail ces dernières décennies ». Et bien davantage encore, en fin d’année les grandes entreprises risquent d’alourdir la note, comme le laisse prévoir les annonces d’Air France ou de Renault. Les plus optimistes tablent cependant sur un redémarrage en fanfare de l’activité économique dès le mois de mai…. Ces scénarios catastrophiques soulignent la nécessité de réponses politiques urgentes et, par là aussi, la possibilité d’une bifurcation historique… Il est peut-être temps d’appuyer sur les contradictions qui se sont aiguisées pendant la crise sanitaire entre le travail et le capital pour construire un État social portant de nouveaux services publics démocratisés, adossé à des filières de production socialisées, démocratisées et développées à partir de critères sociaux et environnementaux. La nationalisation de filières stratégiques est peut-être une étape indispensable pour y parvenir ? Nous sommes à un moment où la fenêtre s’entrouvre vers de possibles progressistes !….

Pour Participer à la réunion Zoom cliquez sur le lien ci-aprés, auparavant installez et inscrivez-vous sur Zoom (Gratuit)

copier/coller le lien : https://us02web.zoom.us/j/87230632856?pwd=OGxlaEFzcllWN20zUVNKVmpyMHNOZz09

ID de réunion : 872 3063 2856
Mot de passe : 658556

Organisateur Dominique BELOUGNE,
Secrétaire d’Espaces Marx Aquitaine-Bordeaux-Gironde
Animateur du Bistrot politique d’Espaces Marx

Prenez soin de vous !

« Penser l’après : Le confinement, un rite de passage ? Par Vanessa Oltra Maitre de conférence en Economie »

Bonjour,

Les chercheuses et les chercheurs qui contribuent chaque jour à alimenter notre média en partageant leurs connaissances et leurs analyses éclairées jouent un rôle de premier plan pendant cette période si particulière. En leur compagnie, commençons à penser la vie post-crise, à nous outiller pour interroger les causes et les effets de la pandémie, et préparons-nous à inventer, ensemble, le monde d’après. Nous vous proposons les analyses de Vanessa Oltra, maitre de conférences en économie à l’université de Bordeaux et Grégory Michel professeur de psychologie clinique à l’université de Bordeaux.

Bonne lecture. Prenez soin de vous ! 

Penser l’après : Le confinement, un rite de passage ?

Vanessa Oltra,  Maître de conférences en économie à l’Université de Bordeaux

 Nous sommes plus de trois milliards de personnes à être confinées en ce moment, soit la moitié de la population mondiale. Face au caractère inédit de la situation, il est tentant de croire qu’un changement fort adviendra « après » la crise. Mais sortirons-nous vraiment transformés par cette épreuve ? À quoi ressemblera « l’après » ?

Si l’incertitude règne en ce temps de confinement mondial, elle semble en effet coexister avec la croyance, partagée par un grand nombre, que le monde ne sera plus le même après cette catastrophe sanitaire. Une croyance qui semble davantage reposer sur un vœu pieux, celui que nous ne puissions pas revenir à l’état antérieur, à ce qui constituait notre normalité, une normalité qui portait déjà en elle les germes de la catastrophe (mondialisation effrénée non réglementée, désengagement de l’État, baisse des dépenses publiques de santé…). Cette croyance renvoie également à une forme de bon sens : si c’est de cette « normalité » que la catastrophe a émergé, il n’est pas concevable d’y revenir…  LIRE LA SUITE   https://theconversation.com/penser-lapres-le-confinement-un-rite-de-passage-135744

 2ème chronique

“Il faut remettre l’humain au cœur du système” :

le regard plein d’espoir sur le confinement de deux universitaires

 Et si ce confinement était un peu une seconde adolescence ? Pour Vanessa Oltra, maître de conférences en économie à l’Université de Bordeaux  et créatrice du festival FACTS, et Grégory Michel, professeur de psychologie clinique et de psychopathologie à l’Institut des sciences criminelles et de la justice de l’Université de Bordeaux, cette période de confinement pourrait être l’opportunité de faire “grandir” nos sociétés… LIRE LA SUITE https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/gironde/bordeaux/il-faut-remettre-humain-au-coeur-du-processus-regard-plein-espoir-confinement-deux-universitaires-1823736.html

Chronique « Covid 19 : Un moment antilibéral pour quelle sortie ? » Michel Cabannes, économiste

« Covid 19 : Un moment antilibéral pour quelle sortie ? »

Par Michel Cabannes, économiste 

Le Covid 19 constitue un choc majeur pour la société qui va au-delà du nombre de ses victimes.  Il marque le retour du tragique dans le monde occidental développé depuis que s’éloignait le souvenir des deux guerres mondiales. Il fait prendre conscience  de notre vulnérabilité en dépit des progrès de la science.  Il réintroduit l’incertitude dans un monde qui se pensait contrôlable.  Il promeut la sécurité dans la hiérarchie des préoccupations humaines.  

Sur le plan économique, « le coronavirus ne contamine pas un organisme sain, mais un organisme déjà atteint de maladies chroniques » souligne Michel Husson (1). Les fragilités structurelles du capitalisme persistent du fait des limites sociales et écologiques de l’accumulation du capital, comme l’analyse Jean-Marie Harribey (2). Les ripostes face à l’épidémie provoquent une chute de la production conduisant à une grave crise économique et sociale dans le monde. […]

Lire la suite : MC 2020 4 Covid 19 moment antilibéral

Bonne lecture, prenez soin de vous !

Les membres de l’association Le Café Economique de Pessac

Jeudi 23 avril 11 h conférence en direct : Penser demain : Comment Imaginer un modèle sans croissance?

Bonjour,

Nous vous informons d’une Conférence EN DIRECT entièrement gratuite !

PENSER DEMAIN : COMMENT IMAGINER UN MODELE SANS CROISSANCE ?

Intervenants :
Aurélie Piet et Thomas Porcher autour du thème de l’économie

PENSEZ A VOUS INSCRIRE via le lien ci-dessous pour recevoir l’accès au live le Jour J !
https://bit.ly/3ao1wUL

Dans un monde confiné, de plus en plus en de voix s’élèvent pour questionner l’après. Quel modèle pour demain ?
On connaît aujourd’hui les limites du système néo-capitaliste et de sa course effrénée à la croissance. On en constate aussi les écueils. Mais peut-on penser l’économie autrement ? Et si oui, quels en seraient les possibles contours ?

Thomas Porcher et Aurélie Piet vous apportent quelques pistes de réflexion.

Thomas Porcher est économiste, membre du collectif Les Économistes atterrés, professeur à la PSB Paris School of Business et essayiste français. Il est notamment l’auteur du « Traité d’économie hérétique. En finir avec le discours dominant. » (Fayard, 2018) et de « Les délaissés. Comment transformer un bloc divisé en force majoritaire. » (Fayard, 2020).

Aurélie Piet est économiste et défend l’idée d’une économie « transmoderne », plus globale, plus humaine, plus qualitative, plus éthique et plus positive. Elle a également écrit Quand l’homo economicus saute à l’élastique… sans élastique. (Plon, 2019).

Prenez soin de vous dans cette période de confinement !

  • Nous contacter :

    DVAE Association Le Café Economique Villa Clément V Boite 65 47, avenue Eugène et Marc Dulout 33600 Pessac Email : contactcafeco@gmail.com Association Loi 1901 n° préfecture W332002360